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La pédagogie inversée : “faire passer la théorie hors classe et pratiquer en cours”

 

Bonjour Philippe, pourriez-vous nous présenter votre parcours ?

Mon parcours n’a rien d’exceptionnel. Comme beaucoup de professionnels du FLE, je suis tombé dedans un peu par hasard. Quand j’ai quitté ma Bretagne natale, je me suis retrouvé à Madrid où j’ai commencé mes études de Lettres hispaniques. Pour améliorer mes fins de mois, je me suis improvisé professeur de français. J’ai très vite appris, à mes dépends, qu’on ne s’improvisait pas comme ça dans cette filière FLE, que je ne connaissais absolument pas. Sans abandonner mes études d’espagnol – je me suis en fait spécialisé en catalan et histoire de la Catalogne -, j’ai donc décidé de me former partiellement à travers la mention FLE des licences que proposait le CNED et beaucoup de façon autodidacte. Et aujourd’hui encore, alors que ça fait 10 ans que j’ai quitté l’enseignement du FLE en Alliance française, je continue, dans le cadre de mon activité éditoriale, à me former dans ce domaine. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir être en contact avec des professionnels du FLE du monde entier au travers des formations ou journées pédagogiques organisées aux quatre coins de la planète. Ce contact est absolument indispensable pour mieux concevoir des contenus qui répondent aux besoins des apprenants.

La pédagogie inversée, en quoi cela consiste ?

Pour faire simple, je dirais que la pédagogie inversée consiste à faire passer les contenus les plus théoriques hors classe pour que les moments de cours servent à vérifier l’acquisition des connaissances théoriques à travers la pratique.

En effet, pourquoi, dans le cas du cours de langue, la leçon de grammaire devrait-elle se faire en classe et la rédaction, par exemple, qui permet la mise en contexte de ladite leçon, devrait-elle se faire à la maison ? C’est une amie qui m’a mis la puce à l’oreille et j’ai commencé à me renseigner sur le sujet il y a un peu plus de deux ans et j’ai trouvé des exemples très intéressants, mais toujours dans des cours de sciences ou de mathématiques mais jamais ou très peu en cours de langue. Cependant, je tiens à préciser que je me contente d’en parler et, à travers mon blog, d’inviter les enseignants à retrouver des mises en pratique de cette pédagogie inversée. Je ne veux en aucun cas passer pur un expert de la question, je ne le suis pas. Je me contente d’en diffuser les principes et des exemples de mise en place. Je vous renvoie à des experts comme Marcel Lebrun ou à des revues pédagogiques québécoises pour en savoir plus. J’ai eu l’occasion de publier de nombreux billets avec toutes ces références sur mon blog.

Pourriez-vous nous donner trois activités ou “trois changements” à introduire dans sa pédagogie ?

Dans un premier temps, et avant de penser ‘pédagogie inversée’, nous devons nous interroger sur la classe de langue d’aujourd’hui. Comme dans d’autres domaines, les apprenants ne peuvent plus continuer à apprendre comme il y a 20 ans. L’apprentissage des langues n’échappe pas à cette règle. J’ai la quarantaine et dans les années 80, quand nous apprenions une langue étrangère, le seul contact ou presque avec cette langue était ce que nous disait notre professeur dans cette langue, quand il l’utilisait, et éventuellement, si nous en avions les moyens, le séjour à l’étranger… Je le souviens encore de ce premier voyage en Angleterre ! Une catastrophe d’un point de vue communicatif… Quelle frustration ! Et pourtant j’étais, selon mon prof, un excellent élève, avec de très bonnes notes en… grammaire ! Bref, je crois que nous avons toutes et tous vécu ce type de situation. Aujourd’hui, l’accès à la langue a changé. Les technologies nous permettent d’avoir facilement accès à tout type de documents et le professeur n’est plus le seul détenteur des savoirs de la langue-cible. Aller en classe doit signifier autre chose. On en peut plus aller en classe et se contenter de corriger les exercices ou lire des leçons de grammaire… La classe doit permettre aux apprenants de mettre en pratique ce qu’ils apprennent. Je suis conscient que ce n’est pas simple et qu’on ne peut garantir que tout le monde va se mettre à regarder des capsules sur la langue pour ensuite le pratiquer en classe à travers une tâche. Je n’ai pas non plus les éléments de réponse mais je crois que nous devons aller dans cette direction. Peut-être un système hybride, comme nous voyons qu’ils s’organisent ça et là en FLE. Je crois que nous devons encore expérimenter, et beaucoup. Et les maisons d’édition doiven aussi réfléchir à la question pour apporter des outils facilitateurs aux enseignants qui voudraient se lancer dans l’expérience de la pédagogie inversée.

Comment peut-on vérifier que les résultats sont là ?

Je pense tout que l’on peut vérifier les acquisitions par des tâches complexes, qui demandent aux apprenants de mobiliser toutes les compétences et de le faire non pas simplement ou uniquement de façon individuelle mais aussi collectivement, en mettant en avant le travail collaboratif. Car l’apprentissage d’une langue doit permettre aux apprenants d’être véritablement actifs, et actifs dans un milieu donné. C’est ça, un acteur social ! Or, nous continuons à toujours trop axé l’apprentissage sur l’acquisition de connaissances, surtout grammaticales. Celles-ci sont indispensables mais ne peuvent être le but. Tout au plus, elles sont un moyen, et surtout pas le seul. Dans notre monde en changement, où nous sommes ici aujourd’hui et demain à l’autre bout de la planète, nous devons être capables de faire de l’apprentissage des langues un véritable outil, je dirais presque une arme, pour relever les nouveaux défis qui se présentent à nous.

Comment peut-on vous suivre et en savoir plus ?

philippeliria

Même si je ne suis pas un spécialiste de la pédagogie inversée, j’ai publié de nombreux billets sur la question. Mais je m’intéresse aussi à bien d’autres sujets en rapport avec le FLE, comme le statut des enseignants ou les politiques linguistiques pour ne citer que quelques exemples… Tout est disponible sur un blog que j’anime depuis quelques années et que j’essaie d’alimenter régulièrement à partir de l’actualité non seulement du FLE mais plus largement de la didactique des langues car ce n’est qu’en cessant de se regarder le nombril que nous pourrons avancer et améliorer nos pratiques de façon à rendre nos apprenants encore plus performants.

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